(SE) DONNER À LA SEINE

2024-Ongoing

(se) donner à la Seine
2024-ongoing, Video & performance

A water current, subjected to the force of gravity, does not simply flow from upstream to downstream, that is, from a higher point in altitude to a lower point: it grows, widens towards its riverbed called the ‘major’ or flood bed, and narrows, then occupying only the ‘minor’ bed; like a thoracic breath with an atypical rhythm. Thus, we talk about ‘wild’ rivers, like the Loire, whose banks are not yet captive to constructed walls. And even when these water currents, often urban, whose lateral movements are limited and cannot freely expand, the height they reach during floods is considered to hinder daily life or even threaten urban structures, infrastructure, and homes. But in reality, a water current, a river, any body of water, are liminal spaces that mark the perpetual transition between water and the terrestrial, urban environment of the Anthropocene.

‘(se) donner à la Seine’ is being produced during a period when not only the Seine’s cleanup efforts are drawing international public interest, parallel to similar efforts on other rivers traversing European capitals like Berlin and the Spree, but also when rivers are beginning to be granted the status of legal personality.

Since Antiquity, the Seine, an emblematic river, has played a central role in the history, culture, and economy of the region, while also witnessing major social and political events. From the windows of my temporary studio at the Cité Internationale des Arts overlooking the Seine, I was figuratively immersed in this river, and almost literally as well. The artistic research I conducted during the three months of residency allowed me to reflect on the relationships between the Seine and Parisians, especially those who directly or indirectly wield power over this fluvial body.

I arrived at a perception of binary relationships as well as a proposition to diversify and vary them. It seems to be a rather familiar dichotomy where on one side the river is elevated to the divine in the symbolic realm, often represented by a young and beautiful woman, without real power or might, appearing docile; reduced to a commodity, a tool, a resource to be mastered on the other. A non-being rather than an entity in its own right. Therefore, the relationships cultivated with the Seine would belong only to these two registers.

So, how to connect with a water body? How to give to it rather than take? How to give without expecting a return? How to coexist?

The Seine as a liminal experience.

Performance VIEWS
Text

Sous le pont Mirabeau coule la Seine

et son flux

faut-il qu’on se souvienne 

tout ce qu’on prît à la Seine

 

coulent les eaux,

se canalisent les réseaux.

des siècles de crues et d’érosions,

de sécheresse et d’inondations.

 

l’insoumise Seine jadis

quand ça fluait,

débordait à guise,

de plein gré.

 

encadrée désormais,

contrainte par les quais maçonnés,

la Seine est domestiquée.

depuis, 

on y bronze et on y skie.

‘sous les pavés, la plage’ dit-on.

et prochainement, 

ce vieux rêve des présidents.

la Seine, une piscine à ciel ouvert.

 

autrefois nommée Sequana

cette personnification de la divinité

une belle jeune femme svelte elle est

la déesse que l’on se veut 

bienveillante, guérisseuse

et exauceur de vœux.

 

s’est-on jamais demandé

que lui offrir à part des objets

en remerciement de vœux formulés.

 

des armes perdues, offertes, cédées,

et même, on y en a jeté,

aussi bien des pointes de flèches en silex,

que de lances, haches, et des épées.

 

au fond de la Seine

ça défigure, ça corrode, ça érode.

 

multitudes de statues ex-voto trouvées

quand sa source a été fouillée.

qu’en est-il des clés rouillées,

sans oublier leurs cadenas ôtés

par les agents de la municipalité.

 

encombrée d’objets,

vous l’a-t-elle jamais revendiquée?

 

comment donner à la Seine?

se donner à la Seine.

il ne s’agit pas de sa donner sa vie,

ni d’en sacrifier une autre,

puisque quelle source de vie 

voudrait en supprimer une autre?

 

la Seine qui se révèle à moi,

si l’on ne peut éviter 

de la personnifier,

possède des épaules larges 

et une carrure développée.

iel est vigoureuse, imposante,

surtout puissante.

 

ne le croyons pas inépuisable son réservoir,

ni sans fond son déversoir.

toutefois

faut-il le dire à haute voix

que son flux sera toujours là

même quand nous ne le serons pas.

 

mesdames et messieurs, 

mondame et masieur

devant vos yeux 

voici

le vestige du tout premier port des Parisii

se lit le texte d’exposition sur le site

de la crypte archéologique.

 

sur les quais du port de Gennevilliers,

se commerce le sable, farine, ciment et charbon.

des montagnes de conteneurs remplis de colis,

Amazon, Ebay et express Ali,

de livres, de vêtements, de meubles, de jouets, 

de tous les coins du monde sont expédiés.

 

si Paris est

centre de consommation depuis l’antiquité,

La Seine c’était

point de rassemblement des organismes assoiffés.

 

eau souterraine, eaux de surface

eaux de lavage, de drainage.

eaux usées, souillées

eaux nauséabondes.

 

dans la Seine se croisent les eaux

entre les rails, les pavés, les corps, les fontaines, 

les tuyaux et les vaisseaux.

 

que transmet-elle, la Seine dans notre chair;

cette eau intracellulaire?

 

la ville sous la ville

l’eau dans les eaux

 

eau potable

eaux grises, eaux noires.

eaux de ruissellement

eaux pluviales.

 

et plus loin en aval,

à près de 400 km de coulée

quel vent t’apporte cette odeur iodée?

 

Sous le Pont de Normandie 

se meurent les cétacés,

collectés par les musées.

d’ailleurs n’est-il pas ainsi

que l’histoire naturelle s’est rédigée?

 

ne nous croyons pas immanents,

ni nos ponts en bétons.

 

sur ses berges se sont décomposés des mammouths,

dans ses fonds se sont péchés des corps humains.

et une nuit en 61,

on y noya des algériens.

et peut-être bientôt:

l’homme; cet animal disparu désormais.

ne s’est-elle pas lasser

des ruminements mentaux 

de cette espèce à deux pieds,

depuis une éternité?

 

alors maintenant,

voguons à contre courant.

il est grand temps 

pour la cérémonie des vœux olympiques.

 

Sous le Pont d’Iéna

amarreront les bateaux, 

naviguant d’est en ouest,

comme les vagues migratoires

s’achève devant le Trocadéro la traversée,

la Seine accueillant cette cérémonie non sollicitée,

telle une hôtesse involontaire.

 

Sous le Pont des Invalides

se battent en crawl les corps olympiques.

la Seine devient un décor

diffusé en live pour le public.

 

Sous le Pont Alexandre III

se la coule douce le corps de la Seine,

où l’ouvrage d’art s’édifia

au tournant du siècle

à l’occasion des expositions universelles.

 

Sur le Pont de la Concorde

affirme les panneaux « Histoire de Paris »

que se foule aux pieds les pierres antiques

de la fameuse prison démolie.

n’est-ce aussi une autre manière

de dire les fonds se manquèrent

en pleine tourmente révolutionnaire?

 

quelles données tactiles te transmettent

ces pierres de piliers hantées

par ceux qui les auraient gratté

avec leurs ongles jusqu’à en saigner?

 

Sous le Pont Royal

se brise la Seine en cinq travées.

 

et sous le Pont des Arts

se gausse-t-elle

des rambardes grillagées menacées d’être abîmées

par le poids des cadenas des amoureux

et celui de leurs vœux.

 

Sous le Pont Neuf

s’apprivoisa la Seine

en trois décennies de travaux et de halte alternant.

Sur les bords du square Vert Galant

se lamentent les saules pleureurs.

 

Près du Pont au Change

s’est creusé un tunnel sous la Seine.

son écoulement progressivement enserré,

par un réseaux de rails et de couloirs canalisé

où l’humidité oxydée 

rappelle sa présence aux usagers de la RATP.

 

d’ailleurs entrevoit-on

sur le logo des transports parisiens,

ce profil de visage féminin

regardant vers le haut à l’horizon,

comme une carte de Paris simplifiant

la Seine la traversant.

 

Sous le Pont Saint-Louis

flottent les cygnes assoupis,

se jettent les eaux dites salies

à travers les déversoirs d’orages

et les eaux de drainage,

se mêlant au courant.

 

Petite bande annonce:

votre agence vous propose

appartement de luxe, vue dégagée

et situé aux abords de cette divinité,

dans prestigieux quartier.

 

cependant, faut-il se le permettre

à 17 134 euro le mètre 

au carré évidemment

moyennement,

aux quais de Béthune, des Orfèvres et d’Orléans.

 

Sur le quai de l’Hotel de Ville

les fourgons policiers défilent,

se répercutent les sirènes

à travers la surface de la Seine.

 

Sous le Pont Marie 

se dressent les tentes,

cités temporaires aux coloris arc-en-ciel.

cérémonie d’ouverture des JO en vue

évacuation des sans-abri,

déportation imminente en bus pleinement remplis.

 

Sur le quai Saint Bernard

se propagent les vagues des zodiaques 

de la fluviale brigade.

 

4 mètres 10 de hauteur franchie,

les tentes sont inondées.

les poteaux de vidéosurveillance érigés,

font face au courant courageusement

sur la pointe de l’île Saint Louis.

 

Sous le Pont d’Austerlitz

se mesure ses crues,

surveillance en permanence

prise de peur de ses grandes hausses

débit, hauteur mais pas son humeur.

‘quand la Seine a noyé Paris’ encore présent dans les esprits.

nous attend la prochaine crue non pas seulement de la décennie.

 

et ce bras mort de la Bièvre.

on y a tué ses rivières.

jadis cet égout à ciel ouvert,

traversant la ville lumière.

ne se donne plus la peine aujourd’hui 

de tracer sur les cartes ses affluents

disparaissant définitivement.

 

alors, trépignons sur la Seine incarcérée sous béton!

FILM STILLS & VIDEO

To watch on Vimeo, type: seine

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